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Les Pommes d'Idunn

 

Note: Ce texte n'est qu'un chapitre d'un futur projet de livre (déjà bien avancé!) basé sur ma traduction des textes des Eddas. Ces textes ne sont, et ne seront, qu'une vision personnelle de la Mythologie Scandinave, et ne prétendent pas à l'exhaustivité; je veux cet ouvrage moins "sombre" et qu'il adopte une forme plus proche du conte dans une certaine mesure. Certains détails figurants dans les textes et traditions originales n'y seront donc pas présents ou sous une forme adapté à une histoire plus "continue". J'espère en tout cas que ce court extrait vous donnera envie de lire le reste, et n'hésitez pas à me faire part de vos commentaires!

Arnfried.

 

 

 

Les Pommes d'Idunn

 

 

Trois des Ases, Odin, Loki et  Hœnir, partirent un matin d'Asgard et dans les montagnes et les forêts errèrent; du gibier frais avait été promis aux Dieux, mais les bêtes était difficiles à trouver, et les chasseurs se prirent vite de grande faim. En arrivant dans une certaine vallée, ils virent un troupeau de bœufs; aussitôt ils en prirent un, le tuèrent et dans une fosse le mirent à cuire.
Quand ils estimèrent l'animal bien saisi, brisée fût le toit du fourneau; mais rouge et crue était encore la viande. Ils entreprirent alors de rôtir à nouveau la carcasse, et à ce moment là leur estomac criaient vraiment famine; grandement désappointés étaient les trois Ases. Après qu'un certain temps fût passé, ils sortirent la bête du feu une seconde fois; mais nul délicieux fumet n'accompagnait la chair toujours écarlate. Alors ils tinrent conseil, se demandant les uns aux autres ce que cela pouvait signifier, et quel curieux sortilège empêchait un repas prometteur de cuire à point.

 

 Une voix rocailleuse dans le chêne-dessus d'eux se fit entendre; et d'un ton amusé déclara que celui qui était posté là était cause du manque de puissance du brasier. Ils levèrent les yeux vers l'arbre, et y virent un aigle; et l'oiseau était tout sauf petit.
-"Si vous êtes prêt à céder de cette bête à corne ce qu'il faut pour remplir mon estomac , alors garantie de pouvoir goûter viande bien cuite vous aurez ", déclara l'oiseau de guerre.
Affamés, les trois Puissants consentirent à ceci. L'imposant rapace quitta son perchoir et se posa près du feu où soudainement le repas semblait prêt; et en un tournemain les deux cuisses, puis les deux épaules passèrent dans le gosier de l'aigle. Navrés furent Hœnir et le Père-de-Tout de la perte de ces savoureux morceaux, mais très irrité fût Loki;  alors le fils de Farbauti saisit une longue perche et de toute ses forces sur le voleur de repas la projeta. L'habitant du ciel sursauta violemment sous ce coup; entre ces puissantes serres l'extrémité de l'arme fût fermement saisi, et il s'envola avec l'Ase tenant toujours l'autre extrémité.
Le malin huard, consciencieusement ne volait ni trop haut ni trop bas; aux pierres dressées, aux racines pointues et aux buissons d'épineux se heurtaient les pieds de Loki, et les bras de son tronc menaçaient de cruel divorce. Cria, supplia alors le Père du Fil de la Mer d'être laissé de toute urgence en paix; aussi l'aigle déclara:
-"Vil Loki jamais ne sera relâché, sauf si sa place il n'échange avec une belle Déesse; fais serment, hôte détestable, de sortir la douce Idunn d'Asgard, ainsi que ses pommes merveilleuses."
Sans réfléchir Loki promit, car bien inconfortable était sa position. Ayant ainsi recouvré sa liberté, il rejoignit ses compagnons restés en arrière, et ils reprirent leur chasse. Et nul ne sait si bredouilles ou chargés de bonnes venaisons ils rentrèrent.

 

À l'époque convenue, l'Ase Fripon s'en alla trouver Idunn dans ses luxuriants jardins où semblait régner un Printemps éternel. En compagnie de Bragi le Poète se trouvait la rousse Déesse de la Jeunesse; le galant chaque jour la courtisait, flattant et déclamant moults strophes pour le plus grand plaisir de l'Asyne. 
-"Bien le bonjour, Seigneur Scalde, et bien le bonjour, Noble Femme; m'entretenir avec toi je dois, car une remarquable découverte je fis", commença le malicieux.
-"Bien le bonjour, Loki fils de Laufey; quelle remarquable découverte fis-tu, qui me fasse cesser si instamment si agréable conversation? Parle prestement", répondit Idunn.
Loki présenta alors une pomme, en tout point semblable à celles qui poussaient dans le jardin de la Déesse; de reflets d'or la parait la lumière, et aussi appétissante que les fruits de jouvence elle semblait être.
Bragi intervint:
-"Méfiance devrais-tu accorder, belle Bil de l'or, aux propos du calomniateur des Ases; non point que je juges, ô douce jardinière, inexistante ta faculté de discernement."
Loki joua l'offensé, s'indigna et protesta; ainsi déclama t'il:
-"Souvent babille à tort l'ignorant et le stupide qui se voit grand savant; sa langue trop rapide, si bâillon il ne trouve pas, de sérieux dommages entraînera."
Puis les deux voulurent en venir aux mains, là, dans le jardin où grandissaient les si précieuses pommes de jeunesse; mais par forces apaisantes paroles, Idunn calma puis congédia le Dieu du sang de Kvasir, car grande était sa curiosité quant aux propos de Loki.
-"Beaux fruits, ronds et étincelants, ai-je trouvé dans un beau bois en lisière des Jötunheimar; d'aussi grande vertu que les tiens, Idunn la toujours jeune, je gage qu'ils soient", poursuivit le Père du Loup quand Bragi eût quitté les lieux.
Idunn voulut en savoir plus, et ce beau bois en lisière des Jötunheimar arpenter pour en glaner les pommes magiques si semblables aux siennes. Alors Loki l'entraîna, elle et son panier rempli, à l'endroit où l'aigle lui avait fixé rendez-vous, afin, disait-il, de comparer les bienfaits entre les deux sortes.
Au lieu convenu, un grand Jötunn attendait; et Thjazi était son nom. Aussitôt il saisit la frêle Asyne empeurée, prit sa forme d'oiseau de proie, et sans un mot pour l'artisan de malheur, s'envola loin, jusqu'à son domaine de Thrymheim.

 

Après la disparition d'Idunn, les Dieux et les Déesses devinrent rapidement vieux et chenus; privés des bons fruits de la gardienne des jardins d'Asgard, leurs forces et leurs prestances ils ne pouvaient conserver. Le Seigneur Odin convoqua le Thing, et chacun s'enquérit sur la dernière fois qu'on avait vu la précieuse femme; alors se leva Bragi, l'infortuné prétendant, qui déclara:
-"En compagnie de Loki, vis-je pour la dernière fois l'objet du désir de mon coeur; en compagnie du menteur, je gage qu'elle n'ai couru les bois, là où trouva factices pommes le bandit."
Là-dessus on envoya chercher Loki; et finalement il apparu, malmené et rudoyé par la colère d'Heimdall. Forts tourments et correctes molestations lui promit-t-on, si de sa bouche point de vérité ne sortait; et quand le vieillissant mais toujours puissant Thor de mort le menaça, sous la peur grande confession le fils de Laufey entreprit. Il jura ensuite d'aller chercher Idunn dans les Jötunheimar si Freyja la blonde voulait bien lui accorder le prêt de sa forme de faucon.
Sitôt obtenue, sitôt Loki pris son envol; bien du temps s'écoula avant qu'au pays de Thjazi le Thurse de glace il ne se posa, et tout semblait mort et figé par la glace. Il trouva la Déesse de la Jouvence seule et en bien piteux état dans la halle du malfaisant Jötunn, car le ravisseur était parti pêcher en Mer sous sa forme d'orfraie, et les pommes avec lui avait emportés.
Grâce à une magie connue de lui seul, le faucon transforma la captive en noix et la pris dans ses serres, et à tire-d'aile repris le chemin du pays des Dieux.
Thjazi rentra chez lui et trouva sa demeure vide; dans toutes les directions il regarda et aperçut le gracile faucon qui fuyait aussi vite que ces ailes le pouvaient, car sous sa forme de huard sa vue portait loin. Loki survolait déjà Midgard et avait couvert la moitié du trajet quand le grand aigle se lança à sa poursuite; mais son envergure et sa puissance bientôt lui permirent de rattraper son retard.

 

De son domaine d'Himinbjorg près de la Passerelle des Mondes, Heimdall, dont le regard portait sur des centaines de milles de distance, aperçut le chasseur et ses proies. Aussitôt il éperonna son beau cheval aux crins d'or et s'en alla prévenir les autres Ases; monticules de copeaux et faix de branchages ceux-ci érigèrent. Le Jötunn sous forme d'aigle avait pratiquement rejoint les fugitifs quand Loki se laissa tomber derrière les monceaux de bois amassés par les Dieux; ceux-ci enflammèrent leurs oeuvres, et emporté par son élan, Thjazi ne put bifurquer et son plumage s'embrasa. Alors il reprit sa vraie forme de Thurse, mais les Ases étaient déjà à portée de lame et bien qu'affaiblis par la sénilité, de maints coups le percèrent. Plus que célèbre devint ce meurtre à travers les Neufs Mondes.
Après avoir recouvré vigueur et force grâce aux doux fruits d'Idunn , les Dieux à nouveau se réunirent et tinrent conseil. Asgard devait être fortifié; une fille Thjazi avait, aussi retorse que lui-même, et grand risque il y avait que celle-ci ne lève un ost afin d'obtenir vengeance, et depuis l'ancienne guerre contre les Vanes nul mur ne protégeait la contrée. De nombreux hérauts furent envoyés à travers les Mondes pour trouver un Maître Batisseur capable de ceindre le Pays des Ases d'une épaisse muraille.

 

Bientôt, ils reçurent la visite d'un homme; en grand batisseur il se présenta, affirmant qu'un infranchissable rempart il pourrait dresser en trois saisons, à l'unique condition que le Soleil, la Lune et la fille de Njörd de Noatun en guise de paiement ne lui soit versé. Longtemps les Puissants débattirent, et finalement avec l'homme se mirent d'accord sur l'érection du mur en une seule saison; si le délai était tenu, le travailleur son salaire obtiendrait, bien que Freyja ne fût guère enthousiaste. Pour accomplir sa tâche, l'ouvrier demanda seulement la permission de pouvoir utiliser le bel étalon qui l'accompagnait; malicieusement Loki l'octroya, avant que quiconque n'eût pu s'enquérir de cette étrange requête. Bien ennuyés furent les habitants  d'Asgard quand ils virent le cheval Svadilfari charrier les matériaux nécessaires à la construction des fortifications à une vitesse ahurissante; les travaux avançaient vite et dans le délai imparti l'homme risquait de remplir son contrat. Quand il ne resta plus qu'une nuit, Odin convoqua Loki et déclara:
-"Fourbe Loki, qui bien vite donne parole sans l'accord de ses pairs, à toi de prestement trouver solution pour de cette tâche empêcher l'aboutissement, et par là même notre fureur."
-"Pleine confiance je vois ne m'est point accordé; dans l'effroi de reste pas, fils de Bor, car dans le si fourbe esprit qui est le mien un plan a germé", répondit Loki. 
Le fripon prit congé, et dans la nuit noire il disparut. Le bâtisseur et le magnifique Svadilfari ramenaient les dernières pierres qui signerait la fin des travaux; l'homme se frottait les mains, car pour acquise il tenait sa récompense, quand au détour d'un bois une grande jument apparut. La poulinière hennit, aguichant le puissant étalon, puis rebroussa chemin au trot; et celui-ci, sachant bien quelle sorte de cheval il était, déchira harnais et collier et dans la forêt la poursuivit. Très furieux fût le propriétaire du fougueux animal, et promptement après eux il courut. Durant toute la veillée de Nótt la cavalcade continua; et quand Dagr de sa mère prit le relai, le chantier d'un pouce n'avait pas avancé. Voyant que pour sa part le pari n'était point remporté et que le gain lui échappait, le Maître Bâtisseur changea de forme; à la race des Jötnar il appartenait, et terrifiante était sa véritable apparence. Alors les Ases invoquèrent Thor; et d'un seul coup de poing il brisa le crâne de l'horrible être qui avait failli gagner le Soleil, la Lune et la soeur du Seigneur Freyr.

 

Il faut maintenant dire que Skadi, la fille de Thjazi, était fin prête à venger son père; la broigne elle revêtit, le heaume elle coiffa, ses skis elle chaussa et pour Asgard prit la route. 
-"Puissants Ases, pour qui serment n'a pas plus de valeur que mouches sur le cul d'une chèvre, ouvrez les portes! Nul doute que bien plus dure à assassiner sera une personne préparée au combat", héla la maîtresse de Thrymheim quand à destination elle arriva.
Mais les Dieux point ne voulurent livrer combat; la vision de la téméraire fille du Thurse seule sous les remparts les attendrit, aussi dans la Valhöll la reçurent-ils. Grandes compensations furent offertes; bien que Jötunn d'origine, son aspect était fort agréable et un époux elle put choisir, à la condition que seuls les pieds entrent en critère de sélection. Alors s'avançèrent Freyr, Tyr, Heimdall, Hœnir, Balder, Njörd, et Hoder; derrière un rideau ils se plaçèrent, ne dévoilant que les extrémités de leurs jambes. Skadi examina les pieds ainsi dévoilés et en choisit une paire fort belle; à ses yeux d'aussi gracieuses racines du corps ne pouvait appartenir qu'à Balder, car en lui rien ne pouvait être laid. Quand le rideau tomba, considérable fût sa déception, car le vieux Seigneur de Noatun elle venait d'élire pour mari, lui qui ne jurait que par la Mer alors qu'elle ne se sentait à l'aise que dans les Montagnes. Mais pour la fille de Thjazi, une chose encore manquait pour sceller la paix: afin de chasser son chagrin, elle exigea que les Dieux la fasse rire, ce qu'elle pensait impossible tant immense était sa peine. S'y employèrent scrupuleusement les habitants d'Asgard; bouffoneries, pitreries et grossières plaisanteries se succédèrent, mais rien ne déridait la pâle jeune femme en arme, et tous parurent navrés. Alors entra dans la Valhöll Loki, en proie aux douleurs de l'enfantement; et là, sous les yeux de tout les occupants de la halle, un merveilleux poulain gris il mit au monde. L'animal avait huit pattes et semblait fort prometteur; aussi, pour se faire pardonner, le Dieu qui avait pris la forme d'une jument l'offrit à Odin, et celui-ci nomma le nouveau-né Sleipnir.

 

Un rire dans la salle retentit; surprise par tant d'incongruité, comme peut l'être quelqu'un voyant un homme accoucher d'un cheval, dans l'hilarité plongea Skadi. On fêta alors les noces de l'habitante de Thrymheim et de Njörd, ainsi que l'apaisement retrouvé. Lorsque la nuit fût bien avancée, le Maître d'Asgard conduisit l'épousée hors de la halle et indiqua le crâne d'Ymir; deux nouvelles étoiles bleutées y luisaient, et Skadi comprit que c'était là les yeux de son père qui avait été placés parmi les autres astres pour veiller sur elle. Alors complète et définitive fût la réconciliation avec les Ases.

 

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